En cette matinée de début novembre 2022, nous apprenons que Liverpool pourrait bientôt changer de main : le club serait mis en vente par son propriétaire actuel, Fenway Sports Group.
Cette nouvelle rappelle à quel point l’activité capitalistique dans les clubs de football a été très importante ces dernières années. Pour rappel, un peu plus tôt dans l’année, le club londonien de Chelsea était vendu au propriétaire de la franchise de baseball des Los Angeles Dodgers (eux-mêmes anciennement détenus par l’actuel propriétaire de l’Olympique de Marseille, Frank McCourt) pour un montant compris entre 4,5 milliards et 5 milliards d’euros. En mai dernier, le magazine Forbes évaluait quant à lui le club de Liverpool à 4,45 milliards de dollars. Au-delà des montants annoncés, il est légitime de se demander comment sont valorisés ces clubs et qui est capable d’investir dans ce secteur.
La valeur d’un club ne se limite pas à la valeur marchande de l’ensemble de ses joueurs. Cette approche simpliste ne repose sur aucune logique financière et n’est certainement pas celle utilisée par les investisseurs.
Afin d’estimer au mieux sa valorisation, il est nécessaire de comprendre les composantes financières d’un club.
Quels sont les revenus d’un club de football ?
- Droits TV : Les droits d’exploitation audiovisuelle donnent l’exclusivité de la diffusion des matchs pour une période donnée. L’attribution de ces droits donne lieu à une guerre industrielle où chaque acteur cherche à tirer son épingle du jeu. Les montants investis par les diffuseurs peuvent varier selon les championnats et leur attractivité. La Premier League anglaise est depuis de nombreuses années le championnat de football le plus puissant d’Europe financièrement. Pour l’exercice 2021/2022, le championnat anglais a touché la coquette somme de 3,5 milliards d’euros de droits TV domestiques et internationaux, selon les chiffres de Football Benchmark. Avec 2 milliards d’euros récoltés la saison dernière, la Liga espagnole arrive loin derrière, suivie par la Bundesliga à près de 1,5 milliards d’euros. Au cinquième rang européen, la Ligue 1 a reçu 687 millions d’euros en 2021/2022, soit environ moitié moins qu’en Allemagne. Le montant des droits TV est d’autant plus un sujet en France qu’il peut représenter 75% des revenus de certains clubs.
- Billetterie : Revenus relatifs aux billets donnant accès aux événements organisés par le club (majoritairement les rencontres).
- Sponsoring : Grace à sa forte présence à la télévision, le football offre une visibilité incomparable aux sponsors des clubs. Le ticket d’entrée peut être élevé (6 millions d’euros en moyenne pour des clubs importants comme Marseille ou Lyon) et permet aux sponsors d’améliorer leur image et d’augmenter leur notoriété.
- Produits dérivés : Majoritairement la ventes de maillots et autres articles à l’effigie du club.
- Vente de joueurs : Bien que récurrente, la nature aléatoire des montants générés par la vente de joueur donne un poids moindre à cette source de revenus dans sa contribution à la valorisation du club.
La masse salariale, principal poste de charges d’un club
Essentiellement liées aux joueurs, la masse salariale est le principal poste de dépenses d’un club, pouvant représenter entre 50 à 80% des revenus hors transferts (ou indemnités de mutation).
On pourrait également citer l’amortissement des indemnités de mutations, qui, dans le cas de clubs réalisant des transferts significatifs, peut être un poste de charges conséquent. En effet, lors du transfert d’un joueur dans un club de football, les indemnités de mutations inscrites à l’actif seront amorties sur la durée convenue du contrat dudit joueur. Cette façon de procéder permet de faire correspondre les frais résultants du paiement de l’indemnité de transfert et les produits futurs que les joueurs sont appelés à générer.
Comment est valorisé un club de football ?
1. Multiple de revenus
La méthode des multiples de revenus (hors transferts) est la principale méthode de valorisation des clubs de football.
Selon Alberto Francese, Head of Corporate Broking Research chez Intesa San Paolo, les principaux clubs (« Tier 1 ») sont valorisés 4 à 5 fois les revenus hors transferts, les clubs de second rang (« Tier 2 ») de 2 à 3 fois les revenus.
À titre d’illustration, en août 2020, l’acquisition de l’AS Roma par l’Américain Freidkin s’est faite pour une valeur d’entreprise d’environ 600 millions d’euros, sur la base d’un multiple de 4,2x les revenus 2019-2020, qui étaient de 144 millions d’euros.
2. La méthode des cash-flows actualisés DCF
Il est possible de valoriser un club en utilisant la méthode DCF en estimant les flux futurs. Néanmoins, les revenus futurs sont entachés d’une très forte incertitude notamment liée aux résultats sportifs. Cette méthode n’est donc pas privilégiée.
3. La valeur de la marque
La marque permet d’engendrer des revenus additionnels récurrents à travers les recettes de la billetterie, le sponsoring et les produits dérivés. Elle permet de générer des revenus commerciaux bien plus élevés de par son attractivité auprès du public, des annonceurs et des sponsors.
La valorisation de la marque peut être réalisée de 3 manières :
- méthode de redevance fondée sur un taux de marché
- méthode de surprofits fondée sur les résultats spécifiquement attribuables à la marque
- méthode de coûts (historiques ou de remplacement)
Qui sont les investisseurs d’un club de football ?
- Milliardaires, qui cherchent un effet d’image ou certains avantages pour d’autres de leurs activités et attachent moins d’importance aux résultats sportifs.
- Pays du Golfe, qui cherchent à diversifier leurs revenus hors pétrole, ainsi qu’à rayonner à l’international en jouant de leur image (soft power).
- Fonds d’investissement, ciblant des grands clubs ou ceux situés dans des pays où ces investisseurs disposent déjà d’intérêts économiques ou projettent d’en développer.